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que lorsqu’il a quelque obscurité, c’est-à-dire quelques nuages ; et peut-être cela est vrai, quand cette obscurité lui vient de son excellence même, du choix des mots qui ne sont pas communs, du choix des mots qui ne sont pas vulgaires. Il est certain que le beau a toujours à la fois quelque beauté visible et quelque beauté cachée. Il est certain encore qu’il n’a jamais autant de charmes pour nous, que lorsque nous le lisons attentivement dans une langue que nous n’entendons qu’à demi.

C’est un grand art de mettre dans le style des incertitudes qui plaisent.

Quelquefois le mot vague est préférable au terme propre. Il est, selon l’expression de Boileau, des obscurités élégantes ; il en est de majestueuses ; il en est même de nécessaires : ce sont celles qui font imaginer à l’esprit ce qu’il ne serait pas possible à la clarté de lui faire voir.

Bannissez des mots toute indétermination,