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qui fût à sa place. Tout roulait, et rien n’a voulu s’arrêter. Dans mon désespoir, j’ai fait chercher une brouette ; mais on n’a pas pu en trouver.

Voila, certes, commencer l’année par un désappointement qui serait de mauvais augure , si la peine que j’en ai ressentie et que j'ai acceptée a la fin de bonne grâce, comme un juste châtiment de ma vanité déconcertée, n’avait absorbé le présage. Il est certain que j’étais fier de me montrer leste et ponctuel a remplir un devoir si cher, et dont je n’ai pu m’acquitter que de loin et avec lenteur, depuis tant d’années. Aujourd'hui je suis humilié de ma tentative déçue. C’est donc en toute humilité que je vous envoie ces assurances de mes regrets et de ma fidélité.

Je suis arrivé depuis quinze jours. Je n’ai pas oublié, pendant mon absence , que vous m’aviez invité à vous écrire, si je trouvais de l’encre et du papier à ma portée. Mais, au lieu d’écrire, je me suis amusé à penser à vous, sans vous en rien dire. Je vous assure que j’ai bien vivement regretté de n’être pas votre voisin, au mois d’octobre. Je l’ai passé tout entier dans une vivacité de tête et de coeur, dans une activité d’imagination, et une disposition a communiquer mes pensées, qui me rendaient tout a fait bonne compagnie. Ah ! ou étiez-vous dans ce temps-là ? Mais voila encore une vanité dont vous êtes la cause, et dont je pourrai bien être puni par le retour de cette imbécillité qui me tint si longtemps éloigné de vous, l’année dernière, et à laquelle vous ne voulûtes pas croire, quoiqu’elle fût, je vous le jure, bien réelle. Si elle revient, je la prendrai ; mais je voudrais qu’elle ne revint qu’aux vacances, pour n’être pas trop indigne de vous pendant que je suis à Paris.

Donnez-moi vos jours et vos heures, afin que je puisse