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M0 sonne, pas meme it vous; comment il est possible que j'y sois demeuré sourd a vos aimables invitations de venir m’y rendre visite, muet sur mes regrets et inebraulable i a mes propres inclinations, je vous dirai que c’est la un secret dont on ne fait pas aisement la confidence, qu’on se dissimule a soi—meme tant qu’ou peut, et auquel on ne pense pas volontiers; en vous l’avouant aujourd’hui , je fais le plus penible effort ou un honnete homme puisse etre porte par une amitie sans bornes et une confiance sans reserve. Apprenez donc ce que personne au monde ne sait en- core, mais ce qui sera bientet sensible aux regards les moins clairvoyants; c’cst qu’au fond de moi—meme, je suis devenu imbecile , ennuye de ce que j’entends , ennuyeux dans ce que je dis , indifferent a presque tout ce que je vois , ne comprenant presque plus rien ni aux livres , i ni aux hommes , ni a mes propres pensees; enlin je suis I different de moi- meme. Le souvenir de moi vaut mieux que ma presence, et je n`ose plus me montrer it eeux dont je veux etre aime. Jugez si je suis paye pour vous fuirl Ce n’est pas qu’en y reileehissant longtemps, et en me · tetant avec une extreme attention, je ne retrouve en moi, de temps en temps, le meme cceur, le meme esprit, le meme fonds de feu et de tendresse; mais tout cela est si _ enfonce , si nebuleux, si engourdi , que je puis seul etre assure de mon identite parfaite. Je me supporte done; mais il me serait impossible de ne pas succomber a l’hu— miliation et a la peine d’etre insupportable a autrui, sur· l tout a vous, ne fut-ce qu’un quart d’beure, quelques mi- K nutes, un instant. On dit que c`est un temps de erise, et que cette crise * passera; mais il y a dix mois qu‘elle dure, et je suis N a l ° l · Dagmzeu by Gccgle 1 l I