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tous les ans, a la meme heure, s`il se peut, et que je vous ai dédié et cette fleur et son odeur. Je voudrais bien n’étre pas fade, mais il faut étre vrai, et je dois vous avouer que le bonheur que j’éprouve a me rappeler ces importantes minuties, fut un peu troublé, il y a un an, en voyant que seul j’en gardais bien nettement la mémoire. Je me suis ravisé. Je veux oublier votre oubli; mais il était bon d’en faire mention en passant, ne fut-ce que pour constater notre état de situation et tenir nos comptes en regle : les bons comptes font, dit—on, les bons amis.

Je ne suis pas cependant si éplucheur ou si réplucheur que vous le pensez. J‘examine peu si l’on m’aime plus ou moins; c’est pour moi un assez grand bienfait qu’on se fasse beaueoup aimer, et je vous ai a cet égard de hautes et constantes obligations.

Il parait que M. de Barante vous en a aussi~de cette espece, et qu’il vous aime plus que vous ne croyez, puisqu’il a donné a notre petit grand·cousin la place qu’il sollicitait. Mon frere l’en a remercié, en le rencontrant aux bains, dans le temps. Une absence que nous limes alors ne me permit pas de connaitre et de vous annoncer a propos ce succès que nous vous devons , je le soutiens , 1° parce que je crois que cela est vrai , et 2° parce que je voudrais pouvoir vous attribuer tout ce qui m’est arrive et tout ce qui m’arrivera d’agréable dans la vie. Elle est bien pénible pour moi, cette vie. Mes affaiblissements secrets augmentent tous les jours. Je les déguise au debors et je me les déguise A moi-meme taut que je puis; mais je les sens, et ils m’accablent au dedans. Heureusement leemur vit toujours , mais il ne vit guere tout entier que pour vous, et peut-étre aussi pour madame de Stael , que je n’ai jamais vue, que j’ai mille fois évitée, qui me paraissait un