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103 pour ai nsi dire, en secret et eu enfoncement. Elles étaient fondues , insinuées et transmises avec les autres ensei~ gnements. On les goiitait et on emportait le désir de les apprendre; on les apprend aujourd'hui , et on part avec le désir de les oublier. En se bornant, comme le ministrc hollandais le desire , 4 a faire comprendre les meilleurs 4 autcurs, non-seulement quant au sens et at la construc- 4 tion des mots, mais encore quant aux choses et a l’es- 4 prit des écrivains, » on enseignait un peu de tout, et, pour me servir d’une métaphore musicale que je ne rejct- terai pas , puisqu’elle se présente a propos, on faisait ré· sonner la touche de toutes les dispositions. On détermi- nait tous les cspritsa se connaitre, et tous les talents a éclore. Instruit avec quelque lenteur, avec peu d’appareil et d’uue maniere insensible, on se croyait peu savant, et on se conservait modeste. Au lieu de cette ignorance qui s’ignore, et de ce savoir qui se connait , fruits pernicieux et repoussants de notre education actuelle, on sortait des anciennes écoles avec une ignorance qui se connaissait et un savoir qui s’ignorait. On les quittait avide de s’in·— struire encore, et plein d`amour et de respect pour les hommes qu’on croyait instruits. Que ceux qui ont vu les temps passés portent leur mémoire en arriere, et qu’ils se souvieunent d’eux-memes: ils avoueront que je dis vrai. La jeunesse, en ce temps·la, était un age plein d’enthou- · siasmes, et par la meme de bonheur; mais ses enthou- siasmes étaient doux et ses félicités paisibles. Elle n’im— posait pas la loi d’admirer ce qu’elle admirait et d’aimer ce qu`elle adorait. Ses gouts étaient vifs et décidés; mais ils n’étaient pas tyranniques. Elle se {iait a Son instinct, mais non pas a ses jugemcnts. `