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357 fait un savant pieux, doux et modeste. Quand il le peint, comme il le voit, c’est un recteur tt tete ardente, qui a la voix forte , qui ordonne en public aux fanfares de redou- bler, et qui, le jour de sa mort , gronde avec exclamation ceux qui le pleurent. Il lui donne de petites ruses , de petites malices, des mines et des attitudes, en opposition avec les mmurs de l’homme , l’esprit de sa profession , et le caractere du temps. Que dites—vous, par exemple, des jeunes professeurs qui font semblant d’etre brouilles , pour se faire iuviter a la table frugale du bon principal? • Ie ne sais si le fait est historique _ou invente; mais, dans l’un ct l’autre cas , je ne connais rien de plus triste que le plaisir pris par l’auteur a raconter elegamment une pareille espieglerie. Il s’est trompe sur la naivete, et cette erreur annonce un esprit qui est peu franc. En general, il me parait tmp epris de tout ce qui sent le college. Il faut qu’il soit ne ecolier, et je erols , en etfet, que c’est la son naturel. C’est au moins ce qui seul peut excuser la deference tres- eoupable qu’il a eue pour l’ecole moderne, en disant beaucoup de mal de M. Crevier. D’abord , mon cher ami, connaissez—vous M. Crevier? Que vous le connaissiez ou non, je vous declare que c’est un de nos meilleurs historiens.; qu’on voit les personna- ges dont il parle, et qu’on s’en souvient; que son His- toire des empereurs est la meilleure qu’on ait faite; que ee qu’il a ecrit de l’histoire romaine est tres—superieur, comme peinture , a ce qu’a fait Rollin lui-meme. Lisez, pour en juger, les guerres de Mithridate, ecrites par l’un et par l’autre. On pretend que son style est dur. En le lisant, je ne m’en suis jamais apercu. Au surplus , j’aime tout, en style, le froid et le chaud, le sec et l’humide, le " grave et le leger, le dur et le mou, meme le noir_et le Digitized by Gccgle