Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/359

Cette page n’a pas encore été corrigée

35l river bientot. J’en suis extrémement faché. C’est un plai- sir sur lequel j’avais toujours compte, de semaine en se- maine, depuis trois mois. Cette perspective mobile tenait mon espérance en action, et donnait souvent de la distrac- tion a mes maux. J’avais reuvoyé au temps ou nous se- rious ensemble, une foule diexplicatious, de rétlexions, de . réponses et de questions que j’aurais peut-étre fait entrer dans mes lettres , si je ne nfétais cru in la veille de vous parler. Si vous n’étes pas de mon avis sur les trois poetes, je vous assure que j’en suis bien. Quant a votre Milton que l’abbé Delille me fait admirer, et contre lequel j’ai cepen- dant toujours un grand grief, pourquoi, je vous prie, étes- vous scandalisé que je n’aie jamais pu le lire? Je n’en- tends pas sa langue, et j’y ai peu de regret. S’il n'est pas supportable, dans la prose meme de Racine le fils, est-ce ma faute? Quant a la force, je ne la hais ni ne la crains; mais fen suis, grace au ciel, tout a fait désabusé. C’est une qnalité qui n'est louable que lorsqu’elle est ou cacbée ou vétue, Dans le sens vulgaire, Lucain en eut plus que Pla- ton, Brébceuf plus que Racine. Fiévée meme en a, et De- lalot, le plus haissable des écrivaius , n’en manque pas. Que si vous voulez lui donner une signification particu- liere , ce que peut—étre il ne faut jamais faire , dans les mots tres—intelligibles; si, par exemple, vous voulez en- tendre par-la la puissance du beau,-qui ne sera jamais qu’uue idée ou qu’uue forme, je vous soutiendrai que l’abbé Delille a plus de force que Milton. Voila un nouveau sujet de querelle entre nous. Je ne dis pourtant que ce que je pense; mais je ne réponds pas toujours de ce que je dis. ll faudrait pour cela que la ré- Digitized by Gccglc