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348 · _ - J’ajoute que je n`avais Pas eu de tels plaisirs`, depuis E · le jour ou je lus les vers de Fontanes pour la premiere fois; et si celui—ci, comme je n’en doute pas, reprend un jour son instrument , soyez sur que trois hommes , lui , I l’abbe Delille et Lebrun, auront trouve, sur la lyre fran- g caise, des cordes qu’on n’avait point encore ouies, et quo Malherbe seul, peut-etre , y avait soupconnees. Le president me mangerait , si je lui disais cela , sur- tout a cause de Lebrun , qu’il appelle avec raison un paéte de mats. Mais je me moquerais de sa colere ,. et lui l dirais que les mats bien employes sont une chose si mer- I veilleuse et si belle, que ce talent seul, lorsqu’il est porte tres—loin, place un esprit au premier rang. Je vous scan- - dalise peut-etre, mais je suis sur d’avoir raison. _ · J’ajoute , pour vous désarmer, que ce talent est tres- utile aux hommes, en ce qu’il fournit aux esprits puis- sants en pensees, les moyens et la facilite de mettre au monde leurs plus rares conceptions, dans tout le lustreet toute la sublimite qui y conviennent. Puisque nous en sommes sur les mots , je vais vous en citer un sur lequel vous vous arretez plus qu’il ne le merite. Vous ne voulez pas qu’on dise une idée claire pour une idée nette, reservant le mot clair pour l’expres- sion. Cette fantaisie est assurément d‘un penseur trompe u par un scrupule mal fonde. Une idée nette est une idee qui est distincte d'une autre, qui se detacbe bien , qui a sa forme individuelle, et sa rondeur ou son carre, pour = ainsi parler. Une idée claire est celle qui a de la clarté , ou quelque chose de vitreux, de transparent. Nos idees { sont des visions ou des images. Or, quand je vois un homme au l1autd’une montagne, je puis bien le voir net= p lament : il se detaehe de partout; mais je ne le vois pas - l

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