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337- gre de`ce que je vous fais part, avec tant d’abandon et si peu d’amour-propre, de la portion de mes opinions qui se presente la premiere, vous les livrant tantot avec leur lie , tantot avec leur exces et leur extravagance. Je suis entré un moment dans ces idées pour vous en ouvrir la fenetre, assure que le coup d’ueil que je vous fais jeter la se re- présentera plus d’une fois a votre esprit, et que , peut- etre, dans un moment beureux, vous y démelerez ce que j’aperqois depuis longtemps, mais ce que je n’ai pu par-‘ . faitement saisir. ` — Bientot, en nous revoyant, nous traiterons a loisir cés grands sujets. Je répondrai alors A vos lettres, dont je ne vous ai pas dit un seul mot. J’aurais dd cependant deja faire des remerclments a votre jeune amitié. Il est proba- ble que je n’en protiterai jamais; mais elle ne peut étrc pour moi que tres-précieuse. La premiere fois que je vous ai vu, je perdais ma mere, la meilleure,"1a plus tendre, la plus parfaite des meresl Ma tendresse pour .elle fut toujours, au milieu de mes in- nombrables passions, mon alfection la plus vive et la plus entiere. ‘ La premiere année ob nous avons eu quelque liaison, j'ai perdu la plus nécessaire de toutes mes correspondan- ces. Je ne pensais rien qui, a quelque egard, ne futdirigé de ce ceté, et je ne pourrai plus rien penser qui ne me fasse apercevoir et sentir ce grand vide. Madame de Beau- mont avait émineinment une qualité qui, sans donner au- cun talent, sans imprimer a l’esprit aucune forme parti- culiere, met une ame au niveau des talents les plus écla- tants : une admirable intelligence. Elle entendaittout, et son esprit se nourrissait de pensées, comme son cmur de sentiments, sans chercher dans les premieres les satis- 11. 22 Digiiized by Gccglc