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mdividus; des essences, et non pas des existences; de ce qui est une loi, et non de cc qui est un fait; de ce qui 4 est éternel, et non de ce qui est passager. Souvenez-vous, par exemple, de cette fable de Saint-Lambert : Un courtisau puni maudissait son roi. — Que dit-il? demanda celui-ci. -— Que Dieu pardonne aux princes miséricordieux, répondit un sage. — On vous trompe, dit un mechant; le malheureux vous maudit. —— Tais-toi , reprit le roi; -—- et se tournant du coté du sage : 0 mon ami, tu dis toujours la vérité. _

En effet, a Dieu pardonne aux miséricordieux » est unc vérité, une chose d’ordre, de nature, d’essence, une chose Gternelle. Le sage, par une espece d’apologue ou de supposition de fait, disait véritablement une vérité; l’autre _ tendait a la faire oublier, en disant un fait existant. Ce que j’en veux conclure, c’est que si beaucoup de choses vraies, ou beaucoup d’exiszences, ne sont pas dignes du nom de vérités, beaucoup de cboses fausses ou non existantes ne méritent pas non plus le nom d’erreurs, et la mauvaise note qui semble devoir étre attachée a ce mot.

Et pour m’expliquer par une autre subtilité, car il faut s’aider de tout dans les recherches déliées , j’ajoute que, dans les calculs dont il n’importe aux hommes de connaitre que les résultats , ce n’est, en derniere analyse et pour l’effet nécessaire, dans aucun des chiffres partiels, que se trouve la vérité ou l’erreur, mais dans la somme toute et dans le dernier énoncé. Ainsi , dans les faits d’un certain ordre, les faits religieux, par exemple , peu importe qu’il y en ait d’erronés, si celui auquel on veut parvenir et l’on parvient par eux, est un fait réel, comme l'existence de Dieu.