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32L la moitié du plaisir que je ressentirais A y etre moi-meme. En ce moment, je n’en ai que la douleur. Vous aviez be- soin de repos, et vous allez chercher une activité qui vous épuisera. Il me semblait qu’A cheque pas que vous fei- siez et A cheque regard que vous jetiez A droite et A gau- che, pendant une si longue route, vous dispersiez par les chemins quelqu’une de' vos forces. Vous étes arrivée en ce moment; mais étes-vous trau- guille, étes-vous en repos , étes-vous réparée? c’est ce quiil me sera impossible de croire pendant longtemps. Votre centre est un tourbillon. Quand vous n’y seriez te- uue eu haleine ou en action que par l’inévitable curio- site qui va vous egiter , elle suflirait pour vous nuire. Mon Dieu! mon Dieu l Hatez-vous, si vous voulez que 1 jem`apaise, que je vous pardonne, que jc retrouve un peu de paix, hater-vous, de m’apprendre que vous vous por- } tez mieux, ou je mourrai de rage mue. Je n’ai jamais entendu dire que l’air de Rome fut bon A rien. Vous me ferez hair et détester ce lieu, dont je ré- vais avec tant de délices, par la seule raison que vous y I étes allée, ce me semble, mal A propos. Si je me trompe, I je l’aimerai plus que jamais; sinon, je le prendrai en gui- _ gnon éternel, et de la vie je nevoudrai le voir, meme en songe et en description,. — J ’ai rompu,_dans ma tristesse et ma mauvaise humeur, toute correspondence avec le monde entier. J e laisse s’en- - tasser les lettres qu’on m’écrit ; je ne les lis meme pas tout entieres. Je n’écris plus. Enveloppé de mon chagrin , comme d’un manteau brun, je m’y cache, je m’y enfonce, j’y vis sourd et taciturne. Cependant il me faut, pour le supporter, quelques dis- tractious, et j’ai pris pour amusement d’immenses~et pro- Dagmzeo by Gccglc