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3l7 ‘ manger, etc., quoique j’en fasse cas, ne sont que des ap- préts du vivre, des moyens de l’entretenir. Si on pouvait n’en avoir aucun besoin, je m’y résignerais facilement , et je me passerais fort bien de corps, si on me laissait toute mon ame. Cette vieille prieure n’est pas meme privée de plaisirs dans ses cinq sens. Elle dit toujours, quand elle voit les gens qui passent dans la rue : ii Oh! que j ’a·ime ma pc- ii tite maison! » Voila un beau plaisirl me direz-vous, et je vous répondrai : Heureux sont ceux qui s’en conten- tent, qui en jouissent sans rien désirer au dela, et qui sont préts a le perdre, sans songer a le regretterl Votre activité s’indigne d’un pareil bonheur; mais voyons si votre raison ne serait pas de cet avis. La vie est un devoir; il faut s’en faire un plaisir, tant qu’on peut, comme de tous les autres devoirs, et un demi—plaisir, quand on ne peut pas mieux. Si le soin de l’entretenir est le seul dont il plaise au ciel de nous charger, il faut s’en acquitter gaiment et de la meilleure grace qu’il est possible, et attiser ce feu sacré, en s’y chauffant de son mieux, jusqu’a ce qu’on vienne nous dire : C’est assez. Je fais intervenir le ciel comme un ingredient nécessaire , dans cette pate a maximes. Si vous le séparez do la terre qu’il environne et de l’idée que vous en avez, je ne sais plus ce que c’est que le mondeet la vie, pour ceux qui n’ont pas de santé, a moins qu’ils n’inspireut et n’éprou— vent quelque amitié qui les remplissc .... Hélasl je sens que ma plume mollit et que mon esprit se décourage. Il s’embrouille, il bégaye, il devient interdit en vous parlant ainsi , comme le fait toujours ma langue, quand je vois qu’on ne m’entend pas. .l’attendrai , pour m’exprimer mieux, que quelque heureuse circonstance ait ranimé en