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XXXVI.

Villeneuve-sur-Yonne , 14 septembre 1803.

A madame de Beaumont, à Lyon.

Je crois que votre vivacité serait tres-capable de vous tuer; mais je n’en suis pas moins persuadé qu’elle vient d’un grand fonds de vie. Ménagez-la, je vous en supplie, comme une bonne chose qui peut devenir dangereuse.

Je vous ai succcssivement conseillé le noir et le blanc, le vert et le sec. Ma pauvre imagination se tournait de tous. les cotés pour vous chercher quelque soulagement , et pour se créer a elle-meme quelques fondements d’es- pérance et de consolation. Ce n’est pas a ma médecine qu’il faut prendre garde, dans tout oela, mais a mon ami- tié, ardente a se plier et a se replier en cent opinions dif- férentes , pour vous trnuver un meilleur avenir.

Mon intention n’a point été du tout de vous mettre au régime de M. de Chazal. Sa doctrine m’a paru propre a tranquilliser ceux que la nature force impérieusement a vivre comme il le prescrit, et j’ai été quelquefois de ceux- la. Vous pourriez vous y voir réduite comme nous; et encore est-il bon de savoir d’avance que ce que l’on fait, en pareil cas, par nécessité, n’cst pas tellement une folie et un danger, que quelques personnes ne le trouvent une sagesse et un reméde. Je suis , pour mon compte., et. par experience , de son avis; et son systémc , si systeme il y a , me réjouit par son opposition avec celui de M. Vigaroux, qui conseille invariablement aux faibles ce que les forts seuls peuveut pratiquer. Y a-t-il rien de plus désolant dans le monde que les maximes qui vous. donnent, pour unique ressource , ce qui vous est un mal certain