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303 si ce n’est de quelque apercu faible, ignore, secret? Cet oeil fermé par une paupiere éternelle , pendant la vie , ne voit-il rien au dedans de lui? Leibnitz ajoutait que u nous <· avions un pressentiment et comme un aperqu des pen- ¤ sees qui allaient nous venir, et qui n’existaient pas en- •¤ core. » Consultez-vous de bonne foi et écoutez—vous avec attention: est-ce que cela n’est pas vrai? Est—ce qu’en ecrivant votre essai, et surtout votre chapitre des penchants, vous ne l’avez pas éprouvé? Pour moi, sur ce seul mot, je fermai mon Leibnitz, et je déclarai l’homme grand métaphysicien, c’est-a—dire, attentif et éclairé sur ce qui se passe en nous. J’ai depuis réfléchi sur le fait, en- core plus que sur le mot, et je me suis demandé souvent : Qu’est-ce done que cette vue de Fame qui voit une pen- sée qui va naitre, et qu’est-ce qu’une peusée qui se laisse voir ou entrevoir, avant meme d’étre formée? _ Je me souviens qu’a Page de vingt-cinq ans, je pré- tendais que l’oiseau tirait la forme et la construction de son nid, du sentiment qu’il avait de sa propre contex- ture, et que c’était sur ce modele, touché par lui plutbt qu’aperqu, que son travail était moulé. Vous vous mo- n querez peut-étre de cette imagination de ma jeunesse; eh bien! moi, je ne m’en moque pas du tout. Longtemps apres l’avoir oubliee, je me suis dit: L’ame se peint dans les machines qu’etalent nos inventions. La réflexion était favorable a la houtade, et la lixait. D’ot1 croyez-vous, en etfet, je vous prie, que nous ti- rions, souvent sans instruction, sans experience et sans apprentissage , nos chefs-d’muvre de mécanique , sinon du propre témoignage de notre secrete fabrication , natu- rellement déterminés a faire nos ouvrages comme nous- memes sommes fails? D’oi1 pensez-vous aussi que nous Digiiizeu by Gccgle