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298 dont aucune distraction ne viendra ralentir les coups. Vous désirez qu’on vous maltraite ; je le ferai, avec la ri- gueur qu’un examen tres-rétlécbi inspire ordinairement a un esprit isolé de tous les objets , et qui n’a devant lui, pour termes de comparaison, que les modeles. Vous serez content de l’exces de mes sévérités. Ne demandez pas ce- pendant que, pour vous plaire, je me montre pire que la vérite ne l’exige. Une censure injuste peut faire plus de mal qu’une louange déplacée; car il importe encore plus peut-étre de ne point éviter le bien, que d’éviter le mal. Et, a ce propos, je vous préviens que, si je loue avec plai- sir, je blame avec une force qui me fait quelquefois de- ` passer les bornes memes de la sévérité. Ayant a vaincre, en eliet, deux résistances que les vérités dures trouvent I toujours en leur chemin, dans le ccnur de celui qui les dit, et dans le cceur de celui qui les écoute, je procede a coups de collier, et mes expressions vont souvent au dela de ma pensée. Quand je blame de vive voix, quelques mots d’explication corrigent vite cet excés; mais quand j’écris, l’inconvénient est durable. Au surplus, mon opi- nion sur la nature et les qualités de votre esprit est dé- sormais lixée et invariable. Votre plume ne peut, a cet - égard , rien m’apprcndre. Faites bien, faitcs mal; ayez raison ou ayez tort, cela n’importe en rien a mon jugement; je n’en saurai pas moins ce que vous valez. Vous n’avez pas encore use peut·etre , et cela méme est probable, de toutes les ressources qui sont en vous; peut-étre méme vous en avez use trop peu habilement. Je m’y attends, et, s`il le faut, je m’attends a pis encore. Mais quand cela serait, je n’en croirais pas moins que l‘instrument dont vous n’au- riez pas admirablemcnt joué , est admirable en soi , et que le ciel vous a donné une téte qui est d’or et de ce Dagmzsu by Gccgle