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294 se souciera fort pen de ses citations , mais beaucoup de ses pensées; que c’est plus de son genie que de son sa- voir qu’on est curieux; que c’est de la beauté , et non pas de la vérité, qu’on cherchera dans son onvrage; que son esprit seul, et non pas sa doctrine , en pourra faire la fortune; qu’enfin il compte sur Chateaubriand pour faire aimer le christianisme , et non pas sur le christianisme pour faire aimer Chateaubriand. J’avoue- _rai , a la suite de ce blaspheme , qu’il ne doit rien dire, lui , qu’il ne croie la vérité; que , pour le croire, il faut qu’il se le prouve , et que , pour se le prouver, il a souvent besoin de lire, de consulter, de compulser, etc. Mais, hors de la, qu’il se souvienne bien que toute étude lui est inutile; qu’il ait pour seul but, dans son livre , de montrer la beauté de Dieu dans le christianisme , et qu’il se prescrive une regle imposée a tout écrivain , par la nécessité de plaire et d’étre lu facilement , plus impé- I . rieusement imposée a lui qu'a tout autre , par la nature meme de son esprit, esprit a part , qui a le don de trans- l porter les autres hors et loin de tout ce qui est connu. Cette regle trop négligée , et que les savants memes , en titre d'oflice , devraient observer jusqu’a un certain ‘ point, est celle-ci : Cache ton savoir. Je ne veux pas ' qu’on soit un charlatan , et qu’on use en rien d’artilice; i mais je veux qu’on observe l’art. L’art est de cacher Part. Notre ami n’est point un tuyau , comme tant d’au— tres; c’est une source , et je veux que tout paraisse jail- lir de lui. Ses citations sont, pour la plupart, des mal- adresses; quand elles deviennent des nécessités , il faut I les jeter dans les notes. On se fachait autrefois dc ce qu’a l’0péra on entendait le bruit du baton qui battait les me- , sures. Que serait-ce si on interrompait la musique , pour I i Digiiized by Gccgle