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290 panjlant a son lecteur. ll ne permet de juger vite ni de lui , ni de ce qu’il dit; il n’est pas clair. C’est un fantome, un mont Athos taillé en philosophe. Enfin je suis las d’y penser. Nous en parlerons cet hiver.

En attendant, je vous préterai ses Considératiom swr le beau et le sublime, son Traité dcpaim perpétucllo, son idée d’une Histoire universelle, tout cela en francais. ll y a de l’esprit et de la clarté dans le premier de ces ouvrages, qu’il publia en 4764. J’ai franchi de terribles hauteurs , escaladé bien des greniers a livres pour me procurer tout cela. Je veux aussi vous laisser un Salon de 4765 par Diderot , et vous reprendrez toutes vos anciennes admirations pour lui; les Mémoires do Valentin f Duval; c’est une connaissance a faire et qui ne vous déplaira pas.

Venez done chercher tout cela, avec nos embrassades, qui en valent bien la peine, par la tendre et invariable affaction dont elles sont le naif et respectueux témoignage.

Ma femme et mon frere vous parleront alfaires. Pour moi, je suis las d’avoir voulu vous parler et de n’avoir su que vous dire de Kant. Mais cela meme est en parler que dc montrer la disposition d’esprit ou il nous laisse. J’espérais trouver en lui une espece de Klopstock de la philosophic; mais il s’en faut. Ce genie allemand peut se laisser monter tres-haut , quand il est porté; mais il ne sait pas se remuer; il n’a point de désinvolture. Klopstock n’en avait pas besoin; mais Kant ne pouvait s’en passer. Fontanes , au surplus , a fait sur lui un fort bon article. J` ai été l’en féliciter ct lui conter ma chance. Il a ri de l’un et de l’autre , me trouvant bien bon d’étre assez consciencieux pour vouloir absolument peser et counaitre les gens , avant de les juger.