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Rubens a régné par les couleurs, comme Rembrandt par la lumière. L’un savait rendre tout éclatant, l’autre tout illuminer ; l’un est splendide, l’autre est magique ; et si l’âme n’est pas toujours charmée par eux, l’œil humain leur doit, du moins, ses plus brillantes illusions.

Pour qu’un groupe se forme et soit réel à l’œil, il faut qu’il y ait une liaison entre le mouvement de chaque figure et de celle qui la suit ; que les attitudes des personnages s’enchaînent l’une à l’autre ; qu’il y ait dans les caractères de leur couleur, de leurs traits ou de leurs expressions, une gradation bien ménagée et des nuances qui se fondent ; que l’esprit, aussi bien que l’œil, les embrasse d’un seul regard, et qu’enfin, suivant qu’il y a dans le tableau un seul ou plusieurs groupes, les personnages forment une seule ou plusieurs unités bien distinctes et dont le souvenir soit facile. Dans le Bélisaire, la femme, l’enfant et le vieillard groupent parfaitement ; mais le soldat ne groupe ni avec eux, ni avec les personnages peints dans le lointain, ni avec le lieu, ni, pour ainsi dire, avec