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257 et, cn clfet, cette excellente femme avait, sous une écorce de rudcsse tres-remarquable , le coeur le plus oompa-° tissant, et les mains les plus libérales , avec l’air le plus négatif. Du rcstc , je ne trouve pas sa fille trop eifarouchée des devoirs que lui imposera votre voisinage. Elle sc souvient avec grand plaisir du temps qu’elle a passé aupres de vous. De toutes les absences qu’elle a faites hors de son ménage , depuis que nous sommes ensem- ble , c’est la seule qui ne lui ait couté aucun regret. Vous et madame de Beaumont étcs plus fortes que ses dégodts invétérés. Elle ne partagerait volontairement lcs plaisirs et les amusements dc qui que ce fdt; mais elle a partagé bien vivemcnt toutes vos peines. Vos dernie- res pertes , surtout , n’ont pas trouvé d’ame plus em pres- sée a les sentir. Elle sait a merveille, d’ailleurs, que vous n’étes pas du monde; que vous étes an-dessus do lui et par conséquent hors de lui; c’est ce qui la dispose a vio- ler sans scrupule , en votre faveur, son voeu de fuir les hnmains. En s’exposant au plaisir de vous voir fréquem— ment, elle est en paix , sa conscience ne lui reproche rien : je ne sais quelle séduction lui persuade qu’elle est toujours inébranlable dans ses résolutions de sauvagerie. Il est avec lc ciel des accommodcments; il en est aussi avec sci-meme: elle l’épr0uve a son insu. Je la com- - pare a ce dévot qui avait promis a Dieu dc ne jamais manger dc sel, et qui se permettait le sucre. Quand vous l’aurez tout a fait apprivoisée , vous saurez si elle vous honore. Elle ne vous le dira pas , cependant; mais vous pourrez l’apercevoir. Je compte beaucoup sur votre dis·· cernement pour déméler des sentiments et un mérite qu’elle a la mauvaise hahitude de ne pas étaler assez. rr. ‘ 47 Dagmzeu by Gccglc