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l’environnons d’épouvantails capables d’en repousser jusqu’à nos pensées. Quand nous donnons à ces squelettes armés de sables et de faux, des apparences de commandement et de pouvoir, des attitudes de colère et de menace, que faisons-nous autre chose, sinon travailler à rendre l’homme mort odieux ou ridicule aux yeux de l’homme vivant ? Cette pureté de trait que l’on vante tant dans les ouvrages de Raphaël et des grecs, dépend absolument du beau genre des natures qu’ils choisissaient. Elle eût été impraticable pour eux-mêmes, s’ils n’avaient eu à exprimer que des natures communes. Ainsi, il ne faut pas confondre le trait pur avec le trait exact. Rubens est un très-grand dessinateur ; mais la qualité des objets qu’il avait à peindre, leurs formes inégales et raboteuses, leurs gros contours, exigeaient qu’il donnât à son dessin une terminaison plutôt bossante, si je puis ainsi parler, que finie et arrêtée en ligne élégante et précise. Il en est de même des ouvrages de Pigalle, comparés à ceux de Bouchardon. Il n’y a qu’une nature pure, svelte, élémentaire, idéale, qui soit susceptible