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Il y a des livres dont l’effet naturel et inévitable est de paraître pires qu’ils ne sont, comme l’effet naturel et inévitable de quelques autres est de paraître meilleurs qu’eux-mêmes ; ceux-ci, parce qu’ils donnent une idée de beauté, de bonté, de perfection, qui en devient comme inséparable ; ceux-là, parce qu’ils nous transportent dans des régions où sont toutes les idées du laid, qui en deviennent inséparables aussi.

Quand la fiction n’est pas plus belle que le monde, elle n’a pas droit d’exister. Aussi ces monstruosités existent dans la librairie ; on les y voit pour quelques francs, et on en parle quelques jours ; mais elles n’ont pas de rang dans la littérature, parce que, dans la littérature, l’objet de l’art, c’est le beau. Au delà, est l’affreuse réalité. Si, oubliant l’ancien précepte : « hors du temple et du sacrifice, ne « montrez pas les intestins », les arts tombent dans son domaine, ils sortent des limites et sont perdus.

La nature a fait assez de passions. Le bien, et le seul bien des livres, est de rendre les hommes plus sages et mieux ordonnés ; les romans mêmes doivent rendre l’amour parfait.

On ne peut aimer que follement des folles ;