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et à leur esprit, le modèle idéal que chacun d’eux porte secrètement en soi. C’est là ce que Berquin a fait pour ses petits amis. On a dit de lui avec beaucoup de vérité : de l’enfance naïve observateur fidèle, il parla son langage en s’exprimant mieux qu’elle, et ce n’est pas seulement son langage qu’il sait imiter ; il peint, avec plus d’exactitude encore et de perfection, ses manières et ses humeurs : en sorte qu’il offre en même temps aux enfants le tableau de ce qu’ils imaginent, et celui de ce qu’ils font. Il leur donne à la fois le plaisir du modèle et celui du miroir.

Madame De Genlis a peint, en général, des figures humaines. Quelquefois cependant elle a fait des demi-monstres ; mais je connais d’elle des demi-anges qui m’ont ravi. Si elle a suivi ou donné de fort mauvais exemples, elle ne l’a pas approuvé. Elle recommande la règle, peut-être même avec aigreur. Enfin, malgré quelques écarts répréhensibles, qu’on peut et qu’on doit reprocher à ses écrits, par habitude et par principes, sa plume est prude, et son génie collet-monté.