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interprété, lui qui ne put fâcher personne, lorsqu’il le voulut faire, et qui, malgré les trois querelles célèbres dans sa vie, n’eut jamais un seul ennemi qui ne l’appelât le bonhomme,

même après qu’il s’était vengé. Tant il se montra peu terrible, dans ses plus vifs ressentiments ! Tant il eut un génie heureux ! Tant sa bonté fut fortunée ! On dénigre l’enfant des muses, un enfant des neuf sœurs, enfant à barbe grise, quand, pour lui faire honneur, sans doute, mais à tort et à contre-temps, on l’érige ainsi tout à coup en épouvantail politique. On dégrade un monarque illustre, en le frappant d’un tel effroi. On déguise l’esprit du temps, et on le fait méconnaître, lorsqu’on place, sous un tel règne, de pareils effarouchements.

Le mot de l’âne n’attaque pas les empereurs plus que les pâtres, et les rois plus que les meuniers. En se l’appliquant à lui seul, Louis Xiv eût commis une usurpation dont son grand sens le rendit toujours incapable.

Tous les âniers de son royaume y avaient autant de droits que lui ; il tombe sur tout ce qui est maître ; et qui ne l’est pas, dans ce monde ? L’aveugle est maître de son chien, et, comme