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« âme », pour employer, avec le poëte, une expression qui semble née au pied de quelque statue antique.

Les anciens, en effet, sans nuire à la fidélité de l’imitation, ne se privaient jamais entièrement de la représentation du beau physique, uni au beau moral. Chez eux, la difformité offrait à la pensée une image invisible de la beauté absente. On reconnaissait, dans les traits de leurs vieillards, la place où fut la jeunesse, et leurs représentations de la maladie ou de la mort faisaient éprouver à la mémoire une sorte de ressouvenir de la vie et de la santé perdues.

Dans les ouvrages de Pigalle, au contraire, le vieillard offre des traits où l’on dirait que la jeunesse ne fut pas ; le malade, un corps où l’on croirait que la santé ne put jamais être.

En un mot, il peignait la vieillesse extrême, tandis que les anciens la peignaient vénérable ; il ne montrait que les ravages de la maladie, tandis que les anciens n’en représentaient que les langueurs. C’est qu’il était né souverainement sculpteur, et que les anciens étaient nés souverainement poëtes. Une idée leur suffisait pour un ouvrage, une statue pour un monument ; Pigalle, au contraire, était constamment