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grands et beaux esprits. Tous deux ont fait un grand chemin dans les espaces littéraires ; Bacon d’un pied léger et ferme, Platon avec de grandes ailes.

Hobbes était, dit-on, humoriste ; je n’en suis pas surpris. C’est la mauvaise humeur surtout qui rend l’esprit et le ton décisifs ; c’est elle qui nous porte irrésistiblement à concentrer nos idées. Elle abonde en expressions vives ; mais, pour devenir philosophique, il faut qu’elle naisse uniquement de la déraison d’autrui, et non pas de la nôtre ; du mauvais esprit du temps où l’on vit, et non de notre mauvais esprit.

Descartes semble vouloir dérober son secret à la divinité, comme on dit que Prométhée déroba aux dieux le feu du ciel, afin d’introduire et de multiplier les arts sur la terre.

Cela est si vrai, qu’une hypothèse à l’aide de laquelle on peut arriver à ce but, lui paraît, de son propre aveu, aussi utile, aussi belle, aussi précieuse que la vérité même. Il n’y a pas d’homme à qui la probabilité ait plus suffi,