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la partie de leurs doctrines qu’on peut appeler des assertions, qui instruisent et nourrissent le plus l’esprit. Il y a, dans la lecture des grands écrivains, un suc invisible et caché ; c’est je ne sais quel fluide inassignable, un sel, un principe subtil plus nourricier que tout le reste.

Il est des poëmes et des tableaux où il n’y a pas précisément une belle poésie et une belle peinture, mais ils en donnent l’idée, et tout ce qui donne l’idée du beau charme l’esprit.

On rencontre dans l’art et dans la nature, des individus et des ouvrages qui plaisent plus qu’eux-mêmes, en quelque sorte, parce qu’ils appartiennent visiblement à un beau genre ; c’est l’espèce alors qui, belle par elle-même, embellit seule la personne ou la chose qui en est empreinte. Anacharsis, par exemple, donne l’idée d’un beau livre et ne l’est pas.

Racine et Fénelon eux-mêmes donnent de leur génie ou de leur âme une idée supérieure à ce qu’ils en laissent voir.

Il est des livres où l’on respire un air exquis.