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Que le dernier mot soit le dernier ; c’est comme une dernière main qui met la nuance à la couleur : on n’y peut rien ajouter. Mais aussi que de précautions à prendre pour ne pas dire le dernier mot le premier ! Ce qui fait qu’on cherche longtemps, quand on compose ou qu’on crée, c’est qu’on ne cherche pas où il faut, et qu’on cherche où il ne faut pas. Heureusement, en s’égarant ainsi, on fait plus d’une découverte ; on a des rencontres heureuses, et l’on est souvent dédommagé de ce qu’on cherche sans le trouver, par ce qu’on trouve sans le chercher.

De même que nous avons dans les mains des lignes qui sont des puissances, comme le levier, de même il y en a dans la rhétorique, dans la poétique, et jusque dans les opérations de l’esprit seul avec lui-même. Souvent, après s’être donné une idée inutile, il se la souffre et la manie, pour en faire venir une autre. C’est ainsi que, dans les écrits et dans