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Les meilleures pensées de certains écrivains ne me paraissent pas avoir occupé plus de place dans leur esprit qu’elles n’en occupent sur leur papier. Je ne vois dans leurs idées que des points lumineux au centre et de l’obscurité autour. Il n’y a rien là de retentissant, rien qui se meuve librement dans un espace plus grand que soi.

Il faut se faire de l’espace pour déployer ses ailes. Si l’incohérence est monstrueuse, une cohésion trop stricte détruit toute majesté dans les beaux ouvrages. Je voudrais que les pensées se succédassent, dans un livre, comme les astres dans le ciel, avec ordre, avec harmonie, mais à l’aise et à intervalles, sans se toucher, sans se confondre, et non pourtant sans se suivre, s’accorder et s’assortir. Je voudrais, enfin, qu’elles roulassent, sans se tenir, en sorte qu’elles pussent subsister indépendantes, comme des perles défilées.

Une pensée n’est parfaite que lorsqu’elle est