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quelques beaux sons, mais qui n’exécute aucun air. Aucun vent constant n’a soufflé sur moi.

Je passe ma vie à chasser aux papillons, tenant pour bonnes les idées qui se trouvent conformes aux communes, et les autres seulement pour miennes.

Comme Dédale, je me forge des ailes ; je les compose peu à peu, en y attachant une plume chaque jour.

Mon esprit aime à voyager dans des espaces ouverts, et à se jouer dans des flots de lumière, où il n’aperçoit rien, mais où il est pénétré de joie et de clarté. Et que suis-je…, qu’un atome dans un rayon ?

Mes effluvions sont les rêves d’une ombre.

Je ressemble au peuplier, cet arbre qui a toujours l’air jeune, même quand il est vieux.

Je rends grâce au ciel de ce qu’il a fait de mon esprit une chose légère, et qui est propre à s’élever en haut.