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le considérer comme ne devant jamais changer ni de solidité, ni de place. Cependant, dans la plupart de leurs leçons badines, nos derniers moralistes font du devoir une espèce de jouet avec lequel ils prétendent exercer la jeunesse à bien faire. Ils lui donnent mille faces, et, l’asseyant sur le sable mouvant de notre imagination ou de notre sensibilité, ils veulent en faire l’objet de ce qu’il y a de plus léger et de plus variable en nous, notre plaisir.

Ce n’est pas ainsi qu’il faut traiter cette grande affaire de la vie, d’où dépend toute la vertu. Il est essentiel de la conduire avec une gravité profonde, constante, uniforme ; et cela importe non-seulement au bonheur des hommes, mais aux plaisirs mêmes de l’enfance.

Il y a, dans l’âme humaine, dès le moment où elle se forme, une partie sérieuse, aussi bien qu’il en est une légère et frivole.

Les enfants participent à la fois de l’impulsion qui les jeta où ils sont venus et du progrès qui les entraîne où ils doivent aller. Ils sentent leur destination éloignée, plus encore qu’ils ne se ressentent de leur origine si proche.

S’il y a autour d’eux un mouvement qui les distrait, il y a devant eux une lumière qui les attire, lumière si convenable à leur