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Aussi faudrait-il n’user des termes abstraits qu’avec une extrême sobriété. Non-seulement ils ne sont l’appellation d’aucun être véritable ; mais ils n’expriment même aucune idée fixe, et, en accoutumant l’esprit à ne pas s’entendre, ils accoutument bientôt la conscience à ne pas nous juger. Plus le style a de corps, plus il est moral. S’il arrive que la langue se perfectionne tellement qu’elle devienne toute physique, cette révolution en causera une importante dans les mœurs.

Affirmons hardiment qu’il n’y a souvent que des expressions figurées qui soient propres à représenter et à faire concevoir exactement l’état de l’âme, et ce qui se passe en elle, c’est-à-dire, la vérité. Hobbes a beau vouloir qu’on les bannisse de l’argumentation : il faut, ou nous interdire beaucoup d’explications, ou les y admettre. Non-seulement notre entendement, mais aussi la nature des choses le demande.

Quand l’âme, s’entretenant avec elle-même, se donne le spectacle de ses propres pensées, elle les revêt de figures, et se parle par images.

Ce langage est vraiment intime. Celui de l’esprit pur, que les malebranchistes ont tant