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« Buckingham, Rochester et tous les autres écrivains « du siècle de Charles II et de la reine Anne. Pope luimême, dans sa préface de l’édition de Shakspearc, met « de grandes restrictions à ses éloges. Les critiques n’ont « point été traduites dans la Préface des Préfaces de « Letourneur. Je ne crois pas, au surplus, qu’il y ait « rien de plus réjouissant par l’absurdité que cette Préface des Préfaces. Je ne connais que l’ouvrage du chcvalier de Cubières qui soit digne de lui être comparé. « Je m’amuse le soir avec un ministre écossais, homme « d’esprit et même de génie, qui entend fort bien notre « langue, à lire cette étrange traduction. Il en rit comme « un fou, et ne conçoit pas l’enthousiasme forcené de « Letourneur, qui admire obstinément tout ce qui est « honni, même en Angleterre. J’ai été obligé, pour sauver « l’honneur du traducteur d’0ssian],|de mettre ces éloges « ridicules sur le compte de Catuelan. Cet estimable ministre, dont je vous porterai des vers, me dit souvent : « Nous ne vaudrons rien en littérature tant que l’Anglcterre ne sera pas, sous ce rapport, une province de « la France. » II croit, avec tout ce qui a quelque instruction, que la renommée de Shakspcare ne tardera pas « à décliner dans sa patrie. Il m’a donné de bonnes raisons pour m’expliquer sa grande réputation, et je

« m’applaudis d’en avoir deviné plusieurs

« Voilà des vérités dures. Qu’y puis-je faire ? Je sais « admirer ce qui le mérite dans la littérature anglaise ; « mais je vous avoue que votre Shakspearc me fait rarement plaisir. Dans l’effervescence de la première jcunesse, j’ai [eu la plus grande admiration pour les Soiréen helvétienncs et Y An 2440 ; aujourd’hui que mes