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« tends à Londres : ou me prendrait infailliblement pour « un homme de mauvaise foi. Shakspeare seul conserve « ses honneurs. Cependant les Ecossais n’ont pas pour « cet auteur la même vénération que les Anglais ; ils se « rapprochent fort du goût français à cet égard. Les « descendants d’Ossian regardent un peu leurs vainqueurs comme des barbares. Plusieurs gens d’esprit. « d’Edimbourg’m’ont parlé en blasphémateurs de Shakspeare ; mais ils ont tous ajouté qu’aucun d’eux ne « voudrait écrire publiquement ce qu’il pensait. Je n’ai « nul intérêt à vous tromper. Je me mets en garde contre « les fausses observations, et jusqu’à présent je pense « n’en avoir laissé entrer aucune dans ma tête. Cepeudant, comme je ne veux pas vous donner plus de vérités que n’en peut porter votre foi chancelante, je ne « vous dirai pas que toutes les tragédies de Voltaire sont « traduites et jouées souvent ; que Mahomet, Ahire et « Tancrède ont été représentes depuis mon séjour en « cette ville ; que Voltaire, comme poète tragique et « comme historien, jouit de la plus grande célébrité. « J’attends que vous soyez plus fort pour vous met&fc à « de si cruelles épreuves. »

II n’attendait pas longtemps ; car, quelques jours après, il lui écrivait encore :

« La France a souvent averti les Anglais du mérite de « leurs grands hommes. Ce n’est qu’en 1742 que Shaki speare a eu un monument à» Westminster. Voltaire, qui « passe maintenant, chez quelques enthousiastes, pour « son détracteur, l’a véritablement plus loué dans ses « premières Lettres sur l’Angleterre, que milord Boliugbroke, que lord Shaftesbury, que Dryden, Walter,