Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

hommes, une vieillesse qui accable leur esprit par la ruine subite de toutes leurs forces.

Ils gardent jusqu’à la fin les mêmes langueurs ; mais ils gardent aussi le même feu et la même vivacité. Accoutumés à se passer de corps, ils conservent, pour la plupart, un esprit sain dans un corps malade. Le temps les change peu ; il ne nuit qu’à leur durée.

Des forces toujours en travail, une activité sans repos, du mouvement sans intervalles, des agitations sans calme, des passions sans mélancolie, des plaisirs sans tranquillité ! C’est bannir le sommeil de la vie, marcher sans jamais s’asseoir, vieillir debout, et mourir sans avoir dormi.

Vivre médicinalement, ce n’est pas toujours vivre malheureux, quoi qu’en dise le proverbe, si, pendant ce temps, on vit en soi, ou avec soi. Vivre en soi, c’est n’avoir de mouvement que ceux qui nous viennent de nous, ou de notre consentement ; et vivre avec soi, c’est ne rien éprouver qui ne nous soit connu ; c’est être le témoin, le confident, l’arbitre de tout