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acquérir une connaissance plus étendue de l’antiquité, en pratiquant ceux des auteurs anciens qui restent habituellement en dehors des études classiques. Déjà d’ailleurs s’était manifesté en lui, non pas précisément le besoin d’écrire, mais celui de résumer en sentences brèves et limpides le résultat de ses réflexions ou de ses lectures. C’est, en effet, à partir de 1774 que commence l’espèce de journal où sont consignées ses pensées. La persistance avec laquelle il l’a poursuivi, durant cinquante ans, au travers des agitations du temps et des phases de la bonne ou de la mauvaise fortune, démontre qu’en l’écrivant il obéissait à un besoin, je dirais presque à la loi de son intelligence. Je reviendrai bientôt, au surplus, sur cette partie de ses travaux, l’un des plus étranges monuments peut-être de notre littérature. Suivons d’abord les événements de sa vie, événements modestes, il est vrai, peu propres a causer de vives émotions, mais où se rencontre l’intérêt calme et doux qui, pour les âmes littéraires, s’attache à l’intimité d’un écrivain éminent.

M. Joubert était trop jeune et trop curieux de savoir pour qu’une retraite silencieuse, au fond de la province, pût longtemps lui suffire. Pendant son séjour à Toulouse, ville studieuse et lettrée, il avait goûté le charme de la vie intellectuelle vers laquelle ses instincts l’entraînaient. Dans les heures de loisir que les travaux de l’enseignement lui laissaient, il avait coutume de fréquenter les bibliothèques ; il recherchait avidement le commerce des hommes instruits ; enfin, quelques maisons honorables, celle, entre autres, de M. le baron de Falguière, dont je l’ai vu depuis protéger le petit-fils, M. le baron d’André, aujourd’hui premier secrétaire d’ambassade à Turin,