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HISTOIRE DE l’AFFAIRE DREYFUS


est en mesure de traiter bien des questions avec ses idées personnelles ; veut et doit arriver. » Et le colonel de Sancy, pour le premier semestre de 1894 : « Officier très intelligent, saisissant vite les affaires, travaillant facilement et peut-être un peu trop sûr de lui ; sait très bien l’allemand et a utilisé consciencieusement son stage au 2e bureau[1]. »

Dans l’intervalle, une seule note, non pas mauvaise, mais moins favorable, cette note du colonel Fabre pour le 2e semestre de 1893 : « Officier incomplet, très intelligent et très bien doué, mais prétentieux, et ne remplissant pas, au point de vue du caractère, de la conscience et de la manière de servir, les conditions nécessaires pour être employé à l’État-Major de l’armée. »

Seulement, la note n’émane pas en réalité du colonel Fabre ; il l’a rédigée, « d’après les renseignements qui lui avaient été fournis sur le compte de Dreyfus par le commandant Bertin et le lieutenant-colonel Roget[2] ».

L’unique grief de Roget était celui-ci : on avait fait faire aux stagiaires un travail de transport fictif ; Dreyfus avait demandé à faire le transport réel de deux corps d’armée par deux lignes de transport réelles, sous prétexte que ce serait plus intéressant. Roget refusa d’accéder à ce désir, dont il conserva une mauvaise impression. « C’est, d’ailleurs, tout ce que j’ai eu à lui reprocher, et c’était un officier remarquable sous tous les rapports[3]. »

Le commandant Bertin-Mourot, d’origine juive par sa mère, antisémite qui travaillait à faire oublier cette origine, affectait une vive animosité contre Dreyfus. Son

  1. Rennes, II, 59.
  2. Cass., II, 41 (Instruction D’Ormescheville) et Rennes, I, 573, Fabre ; I, 317, Roget.
  3. Cass., I, 95, Roget.