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à ce même bureau des renseignements depuis 1878, son créancier depuis 1876[1], le commandant Marie-Charles-Fernand Walsin-Esterhazy.

Il y avait un an qu’Esterhazy était entré au service du colonel de Schwarzkoppen. Pour expliquer sa trahison, il n’avait pas allégué seulement, dans la lettre où il s’offrait, des besoins d’argent, mais qu’issu d’une illustre famille hongroise, il ne s’était jamais considéré comme français[2]. Il avait affirmé, en outre, à l’attaché militaire d’Allemagne qu’il se documentait au bureau même des renseignements. Pour lui prouver qu’il était bien placé pour l’informer, il s’était fait voir à lui, galopant aux côtés d’un général. Tantôt, il l’amusait par

  1. Cass., I, 709, lettre d’Esterhazy à Jules Roche : « Le commandant Henry est mon débiteur depuis 1876 ; je lui ai prêté quelque argent qu’il ne m’a jamais rendu, qu’il me doit encore. Cela explique bien des choses. » — C’est Esterhazy qui souligne. — Le 17 mars 1899, il dit à un rédacteur du Matin : « Depuis notre commune entrée au service des renseignements, nous étions très liés et nous n’avions rien de caché l’un pour l’autre. »
  2. Renseignements inédits. — Il m’est provisoirement interdit de donner la source de ces renseignements et de quelques autres ; mais j’affirme que la preuve de ce que j’écris ici et plus loin est aux archives de l’État-Major général allemand. — L’un de ses anciens amis, Gaston Grenier, résume ainsi la vie d’Esterhazy : « Ayant perdu, de bonne heure, son père, le général Esterhazy, et sa mère, il fut élevé par un parent d’Autriche, sans enfants, lequel le fit entrer à l’École militaire de Wiener-Neustadt, aux environs de Vienne. Il en sortit officier de cavalerie, prit part, en cette qualité, à la campagne de 1866, en Italie, et reçut un coup de lance à Custozza. » (Cass., I, 715.) Il passa ensuite, pour des raisons ignorées, dans la légion d’Antibes (zouaves pontificaux), assista à la bataille de Mentana, vint en France, et fut admis, sur la demande de son oncle, qui était lui aussi général, dans la légion étrangère, avec son grade. Il obtint ensuite ce grade à titre français, fit la campagne de 1870 dans l’armée de la Loire et fut attaché, en 1872 et 1873, à la personne du général Grenier dont le fils donna ces renseignements à la Cour de cassation.