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concordent trop et les autres sont contradictoires, se heurtent au fait que le bordereau, quand Henry le reçut, n’était pas en morceaux et qu’Henry n’eut pas, dès lors, à le reconstituer. Raisonnez et regardez. Que Schwarzkoppen jetât au panier ou dans la cheminée les brouillons qu’il écrivait ou les lettres insignifiantes qu’il recevait, c’était déjà une imprudence. Mais une lettre comme celle-ci, annonçant et accompagnant des pièces importantes, la lettre d’un officier, traître à ses gages ! Et cette lettre qu’il aurait jetée ainsi, elle n’était même pas déchirée en morceaux, ni même froissée. À l’examiner de près, le caractère factice des déchirures apparaît. Ce n’est pas ainsi qu’on déchire une lettre, avant de la jeter avec dédain dans le panier que videra un domestique. Tant que ce papier ne sera pas tombé en poussière, il sera lui-même la preuve qu’il ne vient pas du cornet, que la Bastian ne l’a pas ramassé dans quelque chiffonnier et que Schwarzkoppen ne l’a point reçu.

D’où venait-il ?

On a vu l’agent Brücker disgracié après l’affaire Millescamp, se plaignant de sa disgrâce, cherchant à rentrer en faveur par quelque exploit. L’audacieux avait trouvé. Il était entré dans la loge du concierge de l’ambassade d’Allemagne, un jour que la Bastian y remplaçait la femme du vieux Pessen, et y avait pris la lettre, venue probablement par la poste, dans le casier de Schwarzkoppen, alors en congé, à Berlin ; ou la Bastian, qui lui voulait du bien, la lui avait donnée, l’ayant volée elle-même. Les notes, annoncées par le traître au colonel prussien, étaient dans un autre paquet qui parvint à son adresse[1]. Brücker ouvre l’en-

  1. Elles sont, actuellement encore, à Berlin.