Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/645

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
623
APPENDICE


avec Schwarzkoppen et Panizzardi aurait échappé, dans un cri de rage, à l’accusé, impénétrable jusque-là ! L’inexactitude de la note, écrite, de mémoire et par ordre, en septembre 1897, est démontrée ainsi par le rapport même du 31 décembre 1894. Il eût fallu le détruire avec le compte rendu détaillé. On ne pense jamais à tout.

Le compte rendu détaillé de Du Paty a été supprimé, en 1897, pour une autre raison encore. Non seulement il y relatait exactement, ou négligeait comme sans importance, l’incident qu’il dénature en 1897 ; mais il y précisait quel avait été l’objet de sa mission si singulière, au nom du ministre, auprès d’un traître, objet qui était de savoir s’il n’avait pas été victime d’une imprudence, d’une maladroite tentative d’amorçage.

Si Mercier, le 31 décembre 1894, n’a pas eu l’arrière-pensée d’extorquer à Dreyfus, par la fausse promesse d’une atténuation de peine, le faux aveu d’une imprudence, le doute dont Du Paty porta l’expression au prisonnier était honorable. Une grande excuse résulterait pour Mercier de ce scrupule, de l’idée qui lui serait venue que cet officier d’élite n’était qu’un téméraire, non un traître, et de la démarche commandée à Du Paty. Mercier, alors, se serait entêté dans son erreur, il n’eût pas fait condamner sciemment un innocent.

J’ai montré qu’il n’en est rien et le vrai motif de la tentative, ignoré d’ailleurs de Du Paty.

Mais l’odieux du piège tendu à Dreyfus n’est pas la seule raison qui empêche Mercier d’alléguer, comme à sa propre décharge, la mission dont il chargea Du Paty auprès du condamné. Il a voulu, par la suite, se donner le masque d’un chef qui, pourvu de preuves sans nombre, n’a jamais eu un doute. Or, il a douté du crime, s’il a fait poser loyalement par Du Paty à Dreyfus, condamné irrévocablement, la question de l’amorçage. Et la légende des aveux que Dreyfus aurait faits à Lebrun-Renault, le jour de la dégradation, s’effondre du même coup. Les paroles de Dreyfus à Lebrun-Renault s’expliquent alors, logiques