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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS
4° Une note relative à Madagascar ;
5° Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894).

Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer et je ne puis l’avoir à ma disposition que très peu de jours. Le ministère de la Guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps, et ces corps en sont responsables. Chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres.

Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après, je le prendrai. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.

Je vais partir en manœuvres.

L’émotion de Mercier, en lisant cette pièce, fut vive, et aussi son irritation. La lettre missive, dès la première phrase, indique un commerce de trahison déjà ancien, repris volontairement par son auteur, après quelque interruption. Le traître, cette fois, est incontestablement un officier. Et comme il mentionne en son bordereau une question qui est plus spécialement du ressort de l’État-Major, l’idée surgit aussitôt que le traître appartient au ministère. Depuis le mémento de Schwarzkoppen et les révélations de Val-Carlos, cette idée hantait les cerveaux. Maintenant, elle s’impose. Tous les chefs, du moment où le bordereau leur fut communiqué, pensèrent que la preuve était faite et que la trahison provenait du ministère de la Guerre[1]. Ce fut, dès la première minute, une illumination subite, l’absolue conviction, une idée fixe, que le traître devait être cherché parmi les officiers de l’État-Major.

L’idée fixe, la névrose, s’ancrera dans les cerveaux,

  1. Rennes, I, 86, Mercier. — De même Boisdeffre, I, 518 ; Gonse, I, 548 ; Deloye, III, 57.