Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
561
LA CHUTE DE MERCIER


taient l’élément radical, le sénateur Gadaud et André Lebon.

L’attribution des portefeuilles de la Guerre et de la Marine fut ajournée jusqu’après la première rencontre du Cabinet avec la Chambre. Le message présidentiel dispensait Ribot d’une déclaration ministérielle ; mais il accepta aussitôt une interpellation de Goblet. S’étant prononcé pour une politique « d’union républicaine et de progrès démocratique », il obtint une majorité écrasante, 329 voix contre 79. Puis Trarieux déposa un projet d’amnistie qui fut voté, séance tenante, à l’unanimité moins quatre voix[1]. Rochefort allait pouvoir rentrer en France.

Mercier souhaitait ardemment conserver son porte-feuille. Mais ses maladresses, le cynisme avec lequel il exploitait la condamnation de Dreyfus, se faisant gloire d’un événement douloureux, jouant à l’incorruptible et au seul patriote, sa tentative de recommencer, à son profit, l’aventure de Boulanger, jusqu’au misérable placard qui avait été distribué le jour du Congrès, son arrogance et sa bassesse avaient écœuré tous les républicains. Ils n’étaient pas moins édifiés sur son incapacité. Ribot n’avait pas songé un instant à conserver un tel collaborateur.

Il le remplaça par le général Zurlinden et appela l’amiral Besnard à la Marine[2].

Rochefort, Drumont, le moine de la Croix, firent l’aumône d’un regret à l’instrument, désormais inutile, de leurs haines. Millevoye lui consacra un article lyrique : « La revanche de Dreyfus. » Le premier acte de Ribot avait été de sacrifier le justicier à l’Allemagne, aux

  1. 28 janvier.
  2. 29 janvier.


36