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LA CHUTE DE MERCIER


veau mensonge, pour la première fois, que quatre années plus tard, le 8 janvier 1899, par la commission rogatoire de la Cour de cassation[1].

La consigne du silence ne fut pas donnée qu’aux officiers, mais à tous les amis qu’on avait dans les journaux. La note officielle niait seulement que Lebrun-Renaud eût fait des communications à la presse[2] ; elle fut acceptée, comme un démenti de tous les propos, exacts ou non, prêtés à Dreyfus. Plus personne ne reparle des aveux, ni Barrès, ni Judet, qui, sans perdre une heure, en avaient tiré argument, ni Drumont, ni Rochefort, dont les journaux en avaient triomphé.

À Clisson, qui a raconté la protestation d’innocence de Dreyfus, il semblait que la Libre Parole eût dû répondre : « Vous mentez ! Lebrun-Renaud n’a pu vous tenir ce langage, puisque Dreyfus, au contraire, lui a fait des aveux. » Mais comme l’ordre est d’étouffer la naissante légende, le journal des jésuites se contente d’accuser Clisson d’être un partisan caché du traître. Serait-il l’ami de Dreyfus comme il le fut de Crémieu-Foa[3] ?

Les aveux, même incomplets, c’est la confirmation du crime. La manœuvre a échoué par suite de la note allemande et des bavardages du Moulin-Rouge. Alors, d’un seul coup, en une heure, toute la presse retourne ses batteries. L’armée d’Ignace n’obéit pas plus promptement à son général. Silencieuse sur les aveux, elle donne toute d’une voix pour dénoncer à l’indignation

  1. Cass., I, 813.
  2. C’est ce que le Figaro du 7 répondit très nettement : « Il y a eu seulement une conversation tenue par ce brave officier, de la meilleure foi du monde devant des personnes qu’il ne soupçonnait point devoir les rapporter. »
  3. Libre Parole du 8, article de Boisandré, sous ce titre : « Les défenseurs de Dreyfus. »