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LA CHUTE DE MERCIER


allé à la chasse, Gonse avait passé dans les transes cette après-midi du 6. Picquart, rentrant de Versailles, avait appris que Gonse, la veille dans la nuit, était venu chez lui. Il courut chez son chef, et Gonse lui confia l’incident diplomatique, s’en désola plus d’une heure durant, exhala ses craintes[1]. Mais rien des aveux[2], ni ce jour-là, ni les jours suivants.

Cependant, trois ans plus tard, Gonse a produit une lettre, datée de ce même jour, où il raconte, avec force détails, que Lebrun-Renaud a fait à Mercier le récit complet des aveux de Dreyfus, « demi-aveux ou commencement d’aveux, mélangés de réticences et de mensonges », et que le traître est convenu d’avoir livré, non des originaux, mais des copies[3]. Ce rapport, Gonse l’aurait fait porter chez Boisdeffre pour qu’il l’eût dès son retour. Boisdeffre, le lendemain, le lui aurait rendu, « en raison de son importance, pour qu’il le gardât comme un souvenir et comme un témoignage des aveux[4] ». — Ailleurs, se contredisant, Gonse prétend qu’il en avait lui-même gardé copie[5]. — Or, chose étrange, dans cette lettre, dont la place était au dossier de Dreyfus, Gonse ne

  1. Rennes, I, 383, Picquart. — Gonse (Rennes, I, 551) nie avoir vu Picquart ce jour-là, et dit que, le 6, il n’était nullement préoccupé.
  2. Rennes, I, 383, Picquart. — Boisdeffre garde le même silence. Au mois de mars 1895, Boisdeffre demande à Forzinetti s’il croit toujours à l’innocence de Dreyfus. Sur la réponse affirmative de Forzinetti, Boisdeffre se tait et ne lui dit rien des prétendus aveux. D’autre part, Du Paty prétend (Cass., I, 441) que Gonse et Sandherr lui apprirent, le 6 janvier, les aveux de Dreyfus. Pourquoi Gonse aurait-il dit à Du Paty ce qu’il cachait à Picquart ? Pourquoi Sandherr n’en dit-il rien à Picquart, quand il lui remit son service et lui révéla l’existence du dossier secret ?
  3. Cass., II, 131.
  4. Rennes, I, 520 et Cass., I, 261, Boisdeffre Cass., I, 246, Gonse.
  5. Rennes, I, 351, Gonse.