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LA CHUTE DE MERCIER


la République « qui le reçoit froidement[1] », et l’interroge : « Des indiscrétions ont été commises, avez-vous vu des journalistes ? « Il répond qu’il a vu diverses personnes, des officiers de la réserve et de la territoriale, qu’il y avait peut-être des journalistes parmi eux[2]. Il n’a cru parler qu’à des amis. Dupuy intervient : « Si vous avez quelque chose à dire, c’est à vos chefs qu’il faut le dire[3]. » Casimir-Perier insiste : « Vous n’avez pas vu de journalistes ? — Je n’ai vu personne[4]. » Il était troublé, intimidé, chose fort naturelle, et mentait sans sérénité.

Le Président lui posa diverses questions « qui roulaient toutes » sur ces pièces qu’on aurait trouvées dans la corbeille d’une ambassade. C’était la phrase inquiétante du récit de Clisson. A-t-il parlé à ses camarades de ces pièces, de cette corbeille et de cette ambassade[5] ?

Lebrun-Renaud répondit « qu’il n’avait pas parlé de ces choses à ses camarades[6] ».

Comme l’article du Figaro ne met dans la bouche de Dreyfus qu’une longue protestation d’innocence, la

  1. Cass., I, 285, Risbourg, d’après Lebrun-Renaud : « Froidement, mais bien ».
  2. Cass., I, 276 ; Rennes, III, 75, Lebrun-Renaud. — Cass., I, 659, Dupuy.
  3. Cass., I, 659, Dupuy.
  4. Rennes, III, 75, Lebrun-Renaud.
  5. Cass., I, 285, Risbourg : « Je l’ai interrogé sur la visite qu’il avait faite à l’Élysée, il me répondit : « Toutes les questions qui ont été faites ont roulé sur ce que Dreyfus avait pu me dire, sur les pièces qu’on aurait trouvées dans une corbeille, dans une ambassade. » — Lebrun-Renaud, quand il déposa trois et quatre ans plus tard sur ce point, se tient dans un vague intentionnel : « Il me demanda quelques détails sur l’attitude de l’ex-capitaine Dreyfus. » (Cass., I, 276.) « Il ne m’interrogea réellement que sur quelques petites choses que m’avait dites Dreyfus. » (Rennes, III, 75.) — Le récit, fait par Lebrun-Renaud au général Risbourg, est du jour même où il fut appelé à l’Élysée, trois heures après. Rennes I, 152, lettre de Dupuy à Casimir-Perier de février 1898, versée aux débats : « Il ne nous a rien dit de précis. À coup sûr, il n’a pas redit le propos : Si j’ai livré des pièces… »
  6. Cass., I, 285, Risbourg.