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LA CHUTE DE MERCIER


Major en causaient ; le contrôleur Peyrolles en avait fait le récit qu’il tenait du colonel Guérin. Les journaux, la Cocarde, le Jour, le Temps, en donnaient le texte. Picquart n’en discute pas la vraisemblance, toujours dominé par la pensée des preuves secrètes et décisives, mais se croit en faute pour n’avoir pas signalé au ministre ces aveux poursuivis depuis tant de semaines et qui fuyaient toujours.

Il court au Gouvernement militaire de Paris, interroge le colonel Guérin. Celui-ci lui redit, tels qu’il les a compris, les propos du capitaine de la garde républicaine[1] ; il ignore jusqu’à son nom[2] ; il ne sait si Dreyfus a précisé les pièces qu’il aurait livrées ; il a informé le général Saussier, qui, chef de la justice militaire, eût fait recueillir officiellement les aveux, s’il avait ajouté foi au récit, et qui n’en a rien fait[3]. Saussier, en effet, a connu par Forzinetti la visite de Du Paty au Cherche-Midi et il a reçu le rapport de Lebrun-Renaud qui relate seulement à quelles heures son service a commencé et a fini. À la colonne des observations, cette mention : « Rien à signaler[4]. » Or, l’aveu du condamné eût valu que l’officier de service y insistât. Guérin offre de faire appeler le témoin pour le lendemain[5].

Alors Picquart se rend en hâte chez Boisdeffre et l’informe. Boisdeffre le conduit chez Mercier. Mais Mercier demande à être seul avec le chef de l’État-Major.

    nèrent. Il leur répondit :« Oh ! rien, rien de nouveau. Ah ! si cependant, on dit que Dreyfus aurait fait des aveux. » (Rennes, III, 96.) — L’archiviste Wunenburger(Cass., I, 327) dépose qu’il a connu les aveux, ce même jour, par quatre mots de d’Attel.

  1. Cass., I, 142 ; Rennes, I, 382, Picquart.
  2. Cass., II, 140, colonel Guérin, rapport du 14 février 1898, et Rennes, III, 93.
  3. Cass., II, 140 ; Rennes, III, 92, Guérin. Voir t. VI, 447-448. — Guérin ne dit pas à Picquart que Saussier trouvait les aveux inconciliables avec les protestations publiques de Dreyfus. Picquart partit en voiture avec lui et lui dit qu’il y avait d’autres traîtres, lui parla de Maurice Weil, lui demanda des renseignements sur cet ami de Saussier.
  4. Cass., I, 277, Lebrun-Renaud.
  5. Cass., II, 140 ; Rennes, III, 90 et 91, Guérin.