Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

La lettre n’est point datée par son auteur ; le bureau des renseignements n’avait point encore coutume d’écrire au crayon, sur les pièces qui lui parvenaient, la date de leur arrivée[1]; la pièce, quand elle a été photographiée en octobre 1894, ne portait aucune indication. Le sous-chef du service, Cordier, croit l’avoir eue sous les yeux dès 1892[2]. Ce serait la réponse de Schwarzkoppen à une lettre de Panizzardi lui demandant les plans de Nice[3]. Le capitaine Lauth prétend l’avoir recollée lui-même, vers la fin de 1893. Il s’était servi d’un papier non transparent dans les premiers mois de 1893 ; il employait à la fin de l’année un papier gommé transparent. Or, la lettre serait recollée avec du papier transparent[4]. En tout cas, la lettre est antérieure à 1894.

À l’époque où la lettre fut interceptée, il parut évident que « ce canaille de D… » n’était pas un officier. Les attachés n’auraient point repoussé les services d’un officier avec un tel mépris. On savait, d’autre part, qu’ils payaient les plans directeurs 10 francs pièce[5]. Ce fournisseur, congédié comme un laquais

  1. Cass., I, 300, Cordier : « Depuis 1893, il avait été décidé qu’en principe on mettrait sur chaque pièce, au crayon de couleur, la date de l’arrivée. » La décision de principe ne fut pas exécutée. Picquart dépose : « Quand j’ai pris le service (1895), on m’a dit : On ne met jamais de mention particulière sur les pièces. On ne l’a fait que plus tard. Si on l’avait fait toujours, on aurait évité ainsi bien des mécomptes. » (Rennes, I, 416.)
  2. Cass., I, 298, et Rennes, II, 511 et 514, Cordier.
  3. Rennes, I, 541, Gonse.
  4. Rennes, II, 531, Lauth :« Or, la pièce « Ce canaille de D… » est recollée avec du papier gommé transparent ; elle est donc de la fin de 1893, quand on a commencé à acheter à bon marché du papier gommé transparent. » Cuignet (Cass., I, 357) indique la même date. — Sur la fausse date (16 avril 1894), voir plus loin, Appendice I.
  5. Dossier secret, pièces 152 à 158. (Cass., III, 356.)