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MERCIER


des forts de la Meuse » prouvait que la promesse n’était point tenue.

Mercier porta la lettre à Casimir-Perier, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères ; il le pria, fort sagement, d’intervenir à l’occasion auprès du comte de Munster pour qu’il fût mis un terme à des abus d’où pouvaient résulter de graves inconvénients[1]. Aussi bien l’ambassadeur était-il de bonne foi, Schwarzkoppen l’ayant tenu dans l’ignorance de ses opérations hasardeuses. Le colonel prussien ne référait qu’à son ministre et au grand État-Major, à Berlin.

Nombre d’autres pièces, non moins significatives et relatives aux cartes et plans, avaient été précédemment interceptées. L’une d’elles, signée du pseudonyme Alexandrine, était ainsi conçue :

Si-joint douze plans directeurs de Nice que ce canaille de D… m’a donné pour vous. Je lui ai dit que vous n’aviez pas l’intention de reprendre les relations. Il prétend qu’il y a eu malentendu et qu’il ferait tout son possible pour vous satisfaire. Il dit qu’il s’était entêté et que vous ne lui en voulez pas. Je lui ai répondu qu’il était fou et que je ne croyais pas que vous reprendriez les relations avec lui. Faites ce que vous voudrez.

Comme les deux attachés se servaient des mêmes pseudonymes[2], le service avait eu recours aux lumières du ministère des Affaires étrangères pour identifier l’écriture de cette pièce. Le bureau du quai d’Orsay l’avait attribuée à Panizzardi, bien que le texte même indiquât qu’elle fût de Schwarzkoppen. Les plans de Nice intéressaient l’attaché italien ; c’était pour lui que l’espion inconnu les avait remis à l’attaché allemand.

  1. Rennes, I, 77, Mercier.
  2. Alexandrine, Bourreur, Chien de guerre, Maximilienne, etc.