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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


font l’effet de gens qui accuseraient d’avoir volé une hostie un homme qui serait étranger aux mystères de notre religion[1]. » Urbain Gohier, dans le moniteur de l’Orléanisme, y insiste de son style corrosif : « Juif, Dreyfus n’a pas trahi sa patrie, qui est le temple de Jérusalem. Soldat passif et discipliné dans l’Internationale judéo-maçonnique, il reconnaissait pour chef le grand maître de cette société. Il a obéi, comme après lui d’autres obéiront, jusqu’à ce que le but soit atteint[2]. »

Cette résurrection du Moyen Âge, bien que préparée depuis Joseph de Maistre et Bonald, annoncée déjà par tant de symptômes, surprend les républicains. Ils ne pensaient qu’à ajouter de nouveaux étages à la maison de la Révolution ; et voilà que les assises, qu’on croyait inébranlables, se mettent à trembler !

Quoi ! les fautes ne seraient plus personnelles, le déshonneur ne serait pas pour celui-là seul qui a forfait à l’honneur, il n’y aurait pas de coupable que le coupable[3] ! Et, les artilleurs n’étant pas flétris du fait d’un des leurs, les juifs le seraient[4] ! Ces rappels plaintifs aux principes se perdent, tardifs et comme démodés, dans le gros rire des moines de la Croix[5] et la clameur grandissante du fanatisme.

Que faire devant un tel tumulte ? Les gens tranquilles n’y voient qu’un remède : l’éternelle politique de

  1. Libre Parole du 26 décembre : l’âme de Dreyfus.
  2. Soleil du 31.
  3. Journal des Débats, Temps, du 23.
  4. Matin du 23.
  5. Croix du 25 : « Tous ceux dont les attaches juives sont indiscutables chargent comme à dessein le coupable, l’excluent de l’humanité, tâchent de séparer sa cause de celle de ses congénères. Pourquoi donc, avant le procès, ont-ils cherché à soustraire Dreyfus à ses juges ? »