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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


net ajoutait : « On peut se demander cependant quel est ce Dreyfus. Est-ce le même ? Sandherr en est convaincu ; d’autres le sont moins[1]. »

Il n’y eut point de débat. Quand les juges eurent, tous, lu et relu les pièces secrètes, Maurel posa l’unique question, recueillit les voix, en commençant, conformément à la loi, par le grade inférieur et le plus jeune en grade.

« Oui » dit Freystætter. Roche tint sa tête, l’espace d’un instant, entre ses mains : « Oui » dit-il. Et tous ainsi jusqu’au président, qui prononça le dernier.

Maurel rédigea le jugement. Il portait que la déclaration avait été faite à l’unanimité, et, visant l’article 4 de la Constitution de 1848 qui abolit la peine de mort en matière politique, condamnait Dreyfus à la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée, à la destitution de son grade et à la dégradation.

XVIII

La lecture du jugement, en séance publique, fut écoutée au milieu d’un grand silence ; Demange sanglotait. L’accusé, conformément à la loi militaire, n’était pas présent.

Quand Dreyfus avait été emmené à l’infirmerie, trans-

  1. Notes manuscrites de Scheurer-Kestner, de janvier 1895. — Qui avait renseigné Freycinet ? La déformation que son informateur fait subir à la pièce Canaille de D… est curieuse. C’est l’interprétation de Du Paty, avec, déjà, la substitution du nom de Dreyfus à l’initiale D… — Scheurer-Kestner garda ses doutes ; il connaissait de réputation la famille Dreyfus et ne s’expliquait pas un crime sans mobile.