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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


surtout des accusations contre les accusateurs, les eussent ébranlés davantage ?

La réplique de Brisset fut brève, nerveuse. Il abandonna toutes les charges accessoires : jeu, indiscrétions suspectes, et convint que les preuves morales avaient disparu. Mais, allant prendre le bordereau sur le bureau de Maurel et le brandissant vers Demange : « Si je ne vous apporte pas, dit-il, un mobile à ce crime, le plus grave qui se puisse commettre, et si je n’ai pas d’autres preuves que la lettre missive, elle reste, elle, écrasante pour l’accusé. Prenez vos loupes, vous serez sûrs que c’est Dreyfus qui l’a écrite. S’il l’a écrite, c’est lui qui est le coupable de la plus infâme trahison[1]. »

Ainsi, au terme comme au point de départ de l’accusation officielle, une seule charge : la similitude d’écriture[2].

Dreyfus dit encore quelques mots de protestation ; fils de cette Alsace, si française encore après plus de vingt ans d’annexion, non, il n’avait pas commis le plus hideux des crimes ! Puis, les juges se retirèrent dans la chambre du conseil.

XVI

La foule encombrait les abords du Cherche-Midi. Des paris étaient ouverts dans les cafés, les cabarets. Les esprits étaient excités. Un juriste émit l’avis que la peine de mort ne pouvait être prononcée, la Consti-

  1. Cass., III, 606 ; Rennes, III, 596, Demange.
  2. Rennes, I, 207, Zurlinden : « La similitude d’écriture est réellement le point de départ incontestable de cette affaire. »